Affirmer que 2022 ne s’est pas déroulée comme la plupart l’avaient prévu, ce serait bien peu dire. L’inflation qui grimpe au-dessus des pics des 40 dernières années dans une bonne partie du monde industrialisé, la guerre en Europe et les tensions en mer de Chine méridionale n’ont fait qu’accentuer les effets persistants de la pandémie mondiale. Alors que l’économie mondiale s’efforce de surmonter les impacts de la crise de la COVID-19, nous continuons d’affronter des défis absents du paysage économique depuis des générations. Les décideurs et les entreprises doivent relever ces défis, et leur capacité à le faire déterminera si l’économie mondiale entrera ou non en récession.

Les banques centrales au Canada, aux États-Unis, dans la zone euro et ailleurs dans le monde ont presque toutes choisi de contrer l’inflation par des augmentations successives et importantes des taux d’intérêt. Face à une inflation globale avoisinant les 10 % – une flambée alimentée par les pénuries engendrées par la guerre en Ukraine et les perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement en temps de pandémie –, la majorité des banques centrales du globe ont rapidement revu leur choix d’une politique monétaire accommodante décidé pendant la crise sanitaire.

Même si les cours pour les principales matières premières sont en recul, en raison des préoccupations entourant la croissance mondiale, ils restent élevés et soumis à une forte volatilité. Dans ce contexte, il ne faut pas s’attendre à une amélioration du côté du prix des denrées alimentaires pendant l’année à venir, et ce, pour plusieurs raisons : la dévastation des terres agricoles et le déplacement des travailleurs, en Russie comme en Ukraine; ainsi que des épisodes d’inondation et de sécheresse dans d’autres régions du monde. En ce qui concerne les cours pétroliers, nous prévoyons que le cours du pétrole brut West Texas Intermediate (WTI) s'établira en moyenne à 98 dollars le baril cette année, avant de glisser à 84 dollars le baril en 2023. Cette contraction, la hausse des taux d’intérêt, l’effet modéré de la comparaison des prix en rythme annuel et une consommation qui s’essouffle sont autant de facteurs qui devraient aider à diminuer les prix de base l’an prochain.  


Aux États-Unis, la Réserve fédérale a opté pour des relèvements significatifs, faisant passer les taux de 0,25 % en début d’année à 2,5 % au début du troisième trimestre. Ces augmentations ont ralenti l’inflation, sans toutefois la ramener à la cible fixée. Par conséquent, nous nous attendons à ce que la banque centrale continue d’accélérer la hausse des taux pour les porter vers 4 % en 2023, et qu’elle garde le cap jusqu’à la fin de l’an prochain. Les effets de cette progression rapide des taux d’intérêt aux États-Unis, ainsi que de la réduction accélérée des bilans, se feront sentir aux États-Unis et partout ailleurs dans le monde. 

Même si les États-Unis devraient éviter une récession technique, grâce à l’épargne toujours abondante amassée par les consommateurs durant la pandémie et un marché de l’emploi historiquement serré, nous anticipons une croissance peu convaincante, inférieure à la tendance, de 1,4 % en 2022 et de seulement 0,6 % en 2023. Vu la volatilité des marchés, la marge de manœuvre est mince et les risques demeurent élevés. 

La Banque du Canada suivra une approche semblable à celle de la Réserve fédérale américaine en relevant les taux au-dessus des niveaux neutres en 2023, avant de modérer la cadence l’année suivante. Nous projetons une croissance de l’économie canadienne de l’ordre de 3,2 % en 2022 et de 1,3 % en 2023.

Malgré une conjoncture compliquée, la Banque centrale européenne emboîte le pas en augmentant ses taux pour la première fois en dix ans; cependant, la hausse se limitera à 2,25 % en 2023. L’hiver s’annonce difficile pour l’Europe : elle se trouve sur la ligne de front du conflit entre la Russie et l’Ukraine; de plus, elle est confrontée à la volonté de la Russie d’utiliser ses réserves d’énergie comme moyen d’exercer des pressions politiques. La valeur des contrats à terme pour les cours du gaz naturel a plus que triplé dans certains pays par rapport aux niveaux d’avant la guerre, ce qui a obligé les gouvernements à élaborer des plans de rationnement de l’énergie. L’incertitude entourant l’offre énergétique et la flambée des cours auront des retombées majeures sur les économies et le continent, et feront plonger la zone euro en récession cette année et au début de l’an prochain. La croissance dans la zone sera essentiellement nulle en 2023.

La Chine compte parmi la poignée de pays où la politique monétaire sera assouplie plutôt que resserrée. En 2023, on ne prévoit aucune amélioration sur le front des répercussions économiques attribuables aux politiques zéro COVID, les entreprises et les consommateurs vivant toujours sous la menace des confinements. Par ailleurs, le gouvernement devrait intervenir pour limiter les conséquences économiques d’un endettement croissant et des problèmes de surcapacité dans le secteur immobilier. Dans ce contexte, nous tablons sur une croissance historiquement faible de l’économie chinoise de 3,0 % en 2022 et de 4,9 % en 2023.

Conclusion?

Depuis le cap de la mi-année, les perspectives économiques mondiales se sont assombries sous l’effet des vents contraires provoqués par la convergence – rarissime – de multiples aléas. La réalisation de nombreux risques interdépendants aurait des répercussions à l’échelle mondiale.

Dans son édition de l’automne des Perspectives économiques mondiales (PEM) Exportation et développement Canada prévoit que la croissance mondiale fléchira à 2,2 % cette année et à 2,6 % en 2023. Nos prévisions excluent une récession mondiale, mais la fragilité de l’économie mondiale laisse une marge de manœuvre plutôt mince. 

Nous exprimons des remerciements tout particuliers à Ross Prusakowski, directeur du Centre d’information économique et politique d’EDC pour sa contribution à la présente édition. 

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