Alors que les répercussions de cette crise humanitaire se font sentir, nos pensées vont à tous les Ukrainiens, ici au pays et à l’étranger. 

L’invasion massive de l’Ukraine par l’armée russe du président Vladimir Poutine – la première guerre majeure en Europe depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale – fait de très nombreuses victimes et provoque une grave crise humanitaire. Les effets de cette crise sont d’ailleurs ressentis partout sur la planète.

Les Services économiques d’EDC continuent de suivre l’évolution de la situation, notamment la durée et l’intensité du conflit, les zones ciblées, les termes d’une possible entente négociée, ainsi que les sanctions et les restrictions commerciales imposées à la fois par la Russie et par l’Occident. Cette approche nous permet d’actualiser nos prévisions. 

Les marchés restent relativement calmes, ce qui est sans doute un signe des temps, après avoir traversé de multiples événements « sans précédent ». Le VIX (surnommé « l’indice de la peur ») du Chicago Board Options Exchange est plutôt stable par rapport à l’an dernier, mais moins élevé qu’à pareille date il y a deux ans. Les valeurs refuges, comme l’or, se négocient dans la même fourchette depuis deux ans. En fait, les marchés semblent davantage préoccupés par la réaction des banques centrales que par les actions des généraux.

Ce conflit risque d’accentuer les perturbations touchant les chaînes d’approvisionnement, qui ont une influence déterminante sur les tendances mondiales en matière d’inflation. La Russie est le premier exportateur de céréales et d’engrais; elle fournit aussi environ 40 % du palladium et 30 % du titane à l’échelle mondiale; elle est également un grand producteur de nickel; le troisième exportateur de charbon et d’acier; et, enfin, le cinquième exportateur de produits de bois. Seule une poignée de secteurs échappent aux tensions sur les prix engendrés par la pénurie de matériaux essentiels – de l’agriculture, à l’automobile en passant par l’aéronautique, les technologies propres, la construction ainsi que les technologies des communications.

L’Ukraine, pour sa part, est un grand exportateur de produits agricoles, de métaux, de machineries et de pièces automobiles. Ce conflit, s’il s’intensifie, risque de perturber l’activité dans les ports voisins de la mer Noire, y compris en Roumanie et en Bulgarie, à l’Ouest; en Géorgie, à l’Est; et en Turquie, au Sud.

La guerre fait s’envoler les coûts d’énergie et avive les inquiétudes à l’égard du secteur pétrolier et gazier. Et pour cause : la Russie produit 10 % des réserves mondiales. Le 1er mars, le prix du pétrole brut Brent a franchi la barre des 100 dollars américains, et il continue de monter. On s’attend à ce que les prix demeurent élevés pendant quelques trimestres – même en puisant dans les réserves stratégiques – en raison du faible excédent des capacités mondiales. Et selon la gravité du conflit, l’envoi de pétrole et de gaz d’Asie centrale par l’Azerbaijan et la Géorgie, acheminé par la mer Noire, pourrait aussi être en péril.  

En Europe, 40 % du gaz naturel consommé provient de Russie, et une grande partie de ce gaz passe par l’Ukraine, un point de transbordement du pétrole, dont environ 250 000 barils de pétrole brut sont acheminés chaque jour vers des pays européens. La Russie ne devrait pas couper net dans ses exportations vers l’Europe; malgré tout, des perturbations dans l’expédition de gaz naturel auraient des conséquences négatives pour l’Europe.


À court terme, nous croyons que cette situation entraînera une flambée de l’inflation, ce qui aura des implications notables en Europe. Cette inflation accrue viendra compliquer la prise d’une décision déjà difficile pour la Banque centrale européenne (BCE), qui devra composer avec des tensions inflationnistes additionnelles, d’une part, et les retombées d’une confiance, d’une consommation et d’une croissance moins importantes, d’autre part.  

Dans l’une de ces récentes analyses de scénarios, la BCE estime qu’une pénurie de 10 % du gaz naturel pourrait retrancher d’un pour cent l’activité économique de la zone euro. Qui seraient les plus touchés? Les grands importateurs de gaz naturel comme l’Allemagne et l’Italie, ainsi que les secteurs qui en dépendent le plus. Ce casse-tête pourrait entraîner un découplage entre la politique des banques centrales, en particulier en ce qui a trait au moment choisi pour relever les taux d’intérêt. 

On s’attend à ce que la Réserve fédérale américaine hausse les taux comme prévu, mais qu’elle procède avec une plus grande prudence que celle anticipée. Quant à la BCE, elle continuera probablement de réduire le rachat des actifs, rendant ainsi tout mouvement des taux d’intérêt tributaire d’un relâchement des tensions militaires et de ses impacts sur l’activité économique.

Conclusion?

La crise en Ukraine va accélérer l’inflation, amplifier les tensions sur le coût de l’énergie et des aliments, et éroder le pouvoir d’achat des entreprises et des consommateurs, et ce, partout sur la planète. Chose certaine, le climat d’incertitude va miner la confiance et l’activité économique. D’après nous, ce contexte conduira à une rupture sur les plans de la croissance économique et de la politique monétaire entre l’Europe et les États-Unis, et cette divergence sera aussi visible du côté des devises. Pour en savoir plus à ce sujet, je vous invite à consulter la prochaine édition des Perspectives économiques mondiales d’EDC.

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