Les entreprises de jeux ne sont en rien différentes de la plupart des entreprises du secteur des technologies de l’information et des communications. Elles aussi doivent composer avec les défis que sont l’acquisition de talents, l’innovation, la commercialisation et un marché en rapide évolution. Les deux entreprises qui suivent ont justement réussi à relever ces défis, et à se hisser ainsi parmi les grands exportateurs du monde.

Other Ocean Interactive

Other ocean interactive a remué ciel et terre pour dénicher des talents exceptionnels

Entreprise dérivée de Foundation 9, qui était à son plus fort l’un des plus importants développeurs indépendants de jeux vidéo en Amérique du Nord, Other Ocean Interactive a vu le jour parce que le fondateur de Foundation 9, Andrew Ayre, voulait démarrer une entreprise dans sa région natale, le Canada atlantique. Alors qu’il cherchait où s’installer en 2006, c’est Charlottetown qui s’est imposée comme le meilleur choix en raison des mesures incitatives qu’offrait l’Île-du-Prince-Édouard aux entreprises en démarrage.

« Nous avions aussi l’impression que les différents acteurs étaient en train d’y former une micrograppe », nous a confié Deirdre Ayre, la sœur de M. Ayre. Celle-ci a pris la tête du studio de l’Île-du-Prince-Édouard après avoir mené le contrôle préalable. Elle a depuis ouvert un autre studio à St. John’s, leur ville natale de Terre-Neuve-et-Labrador.

Parvenir à dénicher de nouveaux talents s’est révélé un défi de taille pour Other Ocean, en partie en raison de son emplacement sur cette île bien paisible – peut-être même un peu trop pour certains.

Importer des talents numériques partout dans le monde

« Le Canada atlantique connaissait une importante pénurie [de talents dans les technologies] en raison de l’émigration et de l’exode des cerveaux », a expliqué Mme Ayre au sujet de l’audacieux plan de recrutement de l’entreprise. « Nous avons mis les pieds partout dans le monde. Nous avons opté pour une approche on ne peut plus concrète. »

Elle a vendu l’idée de vivre dans le Canada Atlantique aux Londoniens fatigués du métro-boulot-dodo et aux Delhiites souhaitant vivre dans un endroit moins peuplé.

« Nous y sommes allés de façon très personnalisée, a-t-elle ajouté. Nous avons tenté de dresser une liste de personnes qui pourraient se montrer intéressées par ce que nous cherchions à faire. Nous voulions des personnes disposées à faire du mentorat, car nous voulions un jour embaucher localement, mais nous savions que les recrues de la région allaient avoir grandement besoin d’encadrement. »

Elle a vendu le rêve d’avoir sa propre maison, un projet facilement réalisable pour la plupart des professionnels de l’Île-du-Prince-Édouard.

« Nous les encouragions à s’acheter une maison, puisqu’à Charlottetown, ils pouvaient le faire, a-t-elle précisé. Nous nous sommes assurés qu’ils comprenaient le champ des possibles qui s’ouvrait à eux. Le fait de posséder une maison et de ne pas être endetté jusqu’au cou peut donner l’envie de rester. Nous avons tenté d’amener les gens à s’intégrer à la communauté. »

Ensuite, pour retenir ces employés, ils ont formé une équipe soudée et organisé des activités à caractère unique comme des soirées culinaires, dans le cadre desquelles les employés étaient invités à échanger sur leur culture.

Ils ont aussi forgé des liens avec le Holland College et l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.

« Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Holland College, a mentionné MmeAyre. Il a fini par embaucher notre directeur artistique comme formateur principal. Nous étions bien sûr tristes de le voir partir, mais il a contribué à faire de ce programme un programme de premier ordre. Le Holland College a aussi embauché une autre personne qui travaillait pour nous, mais bien que nous ayons perdu ces employés, notre lien avec l’établissement n’a jamais été plus direct. Nous entretenons de tout aussi bonnes relations avec l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard. »

L’importance de la représentation sur place

Lorsqu’est venu le moment de passer à l’étape suivante et d’exporter, Mme Ayre nous a confié que le plus important était d’avoir un représentant sur place aux États-Unis, le plus grand marché de l’entreprise. Son frère y travaille encore, et, fruit de ses 20 ans dans l’industrie, y possède un vaste réseau.

Forts du succès remporté à Charlottetown, ils ont peu après ouvert un studio à Terre-Neuve-et-Labrador.

« Nous n’étions à ce stade presque exclusivement qu’un développeur tiers, et Andrew s’occupait d’obtenir des contrats aux États-Unis », a indiqué Mme Ayre. « Il avait d’excellentes relations, les gens croyaient en lui et nous avions une équipe solide. »

Electronic Arts a fini par mettre la main sur les actifs de l’entreprise, mais Other Ocean existe encore et s’apprête à lancer un nouveau studio dans la province.

« Avoir quelqu’un sur place, là où vous voulez faire affaire, semble aller de soi, mais de nombreuses entreprises ne le font pas. Décider qu’Andrew resterait aux États-Unis a été très payant. » Aux futurs exportateurs, elle recommande également de recourir au Service des délégués commerciaux.

« Ils ont des gens sur le terrain très doués avec les entreprises en démarrage. Nous travaillons en ce moment avec le consulat à New York de vive voix. Par nos impôts, nous payons les salaires de ces personnes, alors pourquoi ne pas recourir à leurs services? »

 

Silverback Games

Silverback games passe à la réalité virtuelle

L’exportation a toujours fait partie de la vision des choses de Willie Stevenson et de son épouse et partenaire d’affaires, Colleen Shannahan. Instigateurs de la très populaire série Empress of the Deep, ces développeurs et producteurs de jeux vidéo ont aussi travaillé ensemble sur le jeu bien connu Sons of Anarchy, inspiré de la télésérie du même nom, saluée par la critique.

Quand on vend des jeux vidéo en ligne, le client peut se trouver n’importe où. Le studio indépendant produit des jeux pour d’autres mais produit, scénarise et réalise aussi les siens, pour Apple comme pour Android. Il a travaillé pour des entreprises telles que 20th Century Fox et Barnes and Noble et vend ses jeux par l’intermédiaire de détaillants en ligne tels que Big Fish, le plus grand distributeur de jeux vidéo « décontractés » (des jeux aux règles simples qui ne demandent pas énormément de temps.)

Des jeux traduits en dix langues

« Nos jeux se vendent partout dans le monde, surtout en Europe et aux États-Unis, mais aussi en Asie », a déclaré M. Stevenson avant d’ajouter, pour faire état de leur diversité, que leurs jeux étaient traduits en dix langues.

Les jeux vidéo – et les ventes mondiales – de l’entreprise ont permis à M. Stevenson et à Mme Shannahande se tourner vers un tout autre secteur d’activité, qui enthousiasme les deux partenaires.

Se tourner vers la réalité virtuelle

« La réalité virtuelle et la réalité augmentée sont nos nouveaux terrains de jeu », a fait savoir M. Stevenson Nous faisons encore quelques jeux, mais nous œuvrons maintenant presque exclusivement dans la RV et la RA. »

Ils ont commencé à réinvestir dans la RV et la RA les profits tirés de la vente des jeux. Pourquoi?

« Parce que c’est tellement cool. C’est comme un rêve éveillé. Vous pouvez entrer dans une histoire, ce qui est hallucinant. Nous adorions ça, et puis l’idée d’en faire notre gagne-pain s’est imposée peu à peu. »

Les trois piliers du succès

Selon Willie Stevenson, les qualités qui leur avaient valu le succès dans l’industrie des jeux vidéo (une direction artistique primée, la scénarisation et la technologie nécessaire à la collecte de données analytiques utiles) les amèneront aussi à passer à l’étape suivante dans la RV et la RA.

« Pour que les outils de formation que nous développons pour le secteur de l’aéronautique, de l’industrie navale et maintenant celui des télécommunications ressortent du lot, nous partons de ces trois mêmes piliers », de dire Stevenson. « Des normes élevées et un solide savoir-faire dans ces domaines nous aideront à faire notre marque dans ce nouveau secteur à la concurrence de plus en plus féroce. »

L’une des clés de leur succès dans ce nouveau domaine sera la capacité à susciter l’intérêt de l’utilisateur, une leçon qu’il leur avait fallu apprendre pour les jeux vidéo. M. Stevenson nous a dit avoir reçu un accueil favorable de la part des trois secteurs, mentionnant au passage une conversation tenue avec un membre de la haute direction d’une compagnie aérienne qui lui avait dit qu’il allait être difficile de mobiliser des employés de longue date, chevronnés, cyniques.

« A priori, ils ne veulent absolument pas d’un nouveau gadget techno, a indiqué M. Stevenson. Mais dès qu’ils expérimentent notre technologie, ils sont épatés par sa convivialité. Ils n’ont pas à apprendre quoi que ce soit pour l’utiliser. »

M. Stevension a mentionné que l’entreprise travaillait sur des visites virtuelles architecturales avec des promoteurs immobiliers et des architectes. « C’est vraiment valorisant de constater le nombre de changements que permet d’apporter la visite virtuelle architecturale. L’utilisateur pourrait voir des arbres puis se demander comment ce serait si on les déplaçait et comment le mur réfléchirait alors différemment la lumière. »

Trier sur le volet : embaucher des perles rares

Au sujet de l’acquisition de talents, M. Stevenson a affirmé que Mme Shannahan et lui se montraient aussi très sélectifs.

« Nous avons pour philosophie d’être très sélectifs, mais d’accorder ensuite beaucoup d’autonomie. Je crois que nous pourrions dire que nous cherchons à pêcher des perles. Elles sont rares, mais débusquer des talents diplômés en art et en informatique, c’est super. Nous cherchons des employés que nous pouvons laisser seuls en toute confiance pour ne revenir que pour constater les résultats. »

Pour attirer les employés potentiels, ils leur disent qu’ils feront partie d’une « unité de forces spéciales ». Il faut dire aussi que le salaire offert se prend très bien.

« Nous n’allons pas embaucher le premier venu qui se contentera de 50 000 $, conclut M. Stevenson. « Un seul de ces ‘‘membres des forces spéciales’’ en vaut trois de ceux-là. Nous payons donc nos employés en conséquence. »