Le Canada a besoin d’une main-d’œuvre agile et innovante
Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), 95 % des entreprises situées dans ses 35 pays membres disposaient d’une connexion à large bande en 2014.8
La plupart des organisations, tous secteurs confondus, s’appuient sur Internet, les technologies mobiles, les services automatisés et les données pour mener rondement leurs affaires. La numérisation des milieux de travail a accentué le besoin d’employés maîtrisant les outils numériques et capables de favoriser « les interdépendances entre les technologies sociales, la technologie mobile, les applications, l’analytique et le nuage (SMAAN) ».9
Dans ce chapitre
L’économie numérique se caractérise par l’incertitude, les perturbations et le changement. Les technologies ont un fort pouvoir de déstabilisation. Tandis que la communication a lieu en temps réel aux quatre coins du monde, les processus allant de la conception à la mise en marché évoluent rapidement pour soutenir les innovations stratégiques des entreprises. Le risque est élevé, la concurrence, mondiale.
Les organisations elles-mêmes sont en pleine mutation. Leur taille moyenne s’est réduite, et la demande de leurs consommateurs change constamment. Elles doivent augmenter ou réduire prestement leurs activités pour répondre aux besoins de la clientèle et à l’évolution des marchés étrangers. Les fusions et les acquisitions, l’arrivée et la disparition de jeunes entreprises et la mobilité croissante de la main-d’œuvre mondiale obligent les organisations et leurs employés à composer avec des changements fréquents et la volatilité.
À la suite d’un sondage mené en 2017 auprès de chefs des ressources humaines du monde entier, le cabinet de recrutement britannique Merryck & Co. a fait ce constat :
« Plus de 85 % des entreprises peinent à instaurer une forme d’évolution de leur modèle d’affaires :
- Navigation dans le nuage;
- Adoption d’une stratégie numérique;
- Intégrations d’éléments d’intelligence artificielle;
- Définition d’une culture d’entreprise au sein de la matrice;
- Accélération du rythme d’exécution et d’ajustement des stratégies10
Dans l’ensemble, les compétences sociales – telles que la persuasion, l’intelligence émotionnelle et la pédagogie – seront plus recherchées dans tous les secteurs que les compétences techniques ciblées, comme la programmation, ou la commande et le contrôle d’équipement.
Les entreprises canadiennes doivent relever le défi de recruter des travailleurs qualifiés pour évoluer dans cet environnement. Si la nécessité des formations de haut niveau en sciences, en technologies, en ingénierie et en mathématiques (STIM) a été largement évoquée, de plus en plus de voix soulignent que les compétences non scientifiques sont tout aussi importantes. Un rapport de 2016 de l’OCDE rappelle que près de la moitié (46 %) de la dénommée « main-d’œuvre de l’innovation » occupe des postes non scientifiques.12
2.2.1 Compétences fondamentales : créativité, collaboration, communication, pensée critique
Dans l’économie de l’innovation, les travailleurs doivent être flexibles, agiles et dotés d’une forte intelligence émotionnelle. Ils doivent aisément passer d’un projet à un autre et suivre les fluctuations des besoins de leur organisation et des consommateurs. L’employé idéal est indépendant, fiable, créatif et capable de résoudre des problèmes et d’utiliser les technologies de manière efficace.
Selon un sondage de la Human Resources Professionals Association (HRPA) du Canada, les trois catégories de compétences les plus recherchées chez les travailleurs modernes seraient (en pourcentage de réponses) :
- la capacité de recherche, la résolution de problèmes et la pensée critique (18 %);
- le leadership (16 %);
- les compétences générales comme la communication et le travail en équipe (15 %).13
Dans son examen des compétences prisées dans l’économie de l’innovation, l’association souligne que les compétences entrepreneuriales, le développement des affaires et le marketing (13 %), ainsi que la créativité (13 %) sont plus valorisées que les compétences technologiques (12 %).
D’ici 2020, la résolution de problèmes complexes sera l’une des principales compétences dans 36 % des emplois de tous secteurs.
Le thème principal émergent est : quelle que soit la taille ou l’étape, le défi est de disposer de personnes avec les capacités et les compétences essentielles permettant d’aborder les problèmes de façon efficace, de travailler en équipe pour résoudre des problèmes complexes et de concevoir des solutions créatives.
Le Canada offre un système d’éducation de calibre mondial. Il est la quatrième terre d’accueil en importance pour les travailleurs qualifiés15 L’amélioration des compétences des Canadiens n’a toutefois pas évolué au rythme des besoins de la main-d’œuvre mondiale. Dans les années 1990, les investissements gouvernementaux dans la formation technologique étaient élevés par rapport aux autres pays de l’OCDE. Aujourd’hui, cependant, les travailleurs sont mal préparés pour relever les défis modernes.
« Moins de la moitié des adultes canadiens ont les compétences en résolution de problèmes requises pour fonctionner dans un environnement riche en technologies », a déclaré en 2016 Sarah Anson-Cartwright, alors directrice de la Chambre de commerce du Canada, dans le cadre du Forum canadien sur l’Internet. « Moins de la moitié maîtrisent assez bien les TIC pour utiliser les technologies nécessaires à leur travail. »
L’un des problèmes soulevés par la Chambre de commerce, et par d’autres, est le besoin de former les travailleurs tout au long de leur vie. Les élèves des écoles secondaires canadiennes obtiennent de bons résultats en litérattie et en numératie, mais ont des lacunes en résolution de problèmes. Plus les gens s’éloignent du cadre scolaire, plus ces compétences ont tendance à s’amenuiser. Historiquement, le Canada n’a pas soutenu la formation professionnelle avec autant de volonté que d’autres pays comme l’Australie.
Le développement des compétences commence dès le plus jeune âge. L’inadéquation de l’éducation et de la formation des Canadiens avec les besoins actuels du marché du travail est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre. Parce que l’enseignement des sciences, des technologies, des mathématiques et de l’ingénierie n’a pas été privilégié par le passé, une génération de jeunes Canadiens se retrouve maintenant sans les compétences numériques de base pour affronter la concurrence dans l’économie mondiale.
Près de neuf dirigeants d’entreprise canadienne de TI sur dix (88 %) pensent qu’il est important que les élèves apprennent la programmation au secondaire.16
2.3.1 Comment combler les failles des programmes d’enseignement canadiens pour préparer les jeunes au marché du travail
Dans son rapport de 2016, la Chambre de commerce du Canada regrette que le Canada soit le seul membre de l’OCDE sans ministère fédéral de l’Enseignement. À l’image d’autres pays, le Royaume-Uni a intégré les STIM dans son programme national pour l’élémentaire il y a plus de cinq ans. Les élèves britanniques finissent maintenant leur secondaire avec des compétences avancées en sciences.
Le système canadien est plus fragmenté, mais ses acteurs s’accordent de plus en plus sur le fait que l’enseignement des STIM devrait pleinement faire partie des programmes, de la maternelle à la 12e année.
La Nouvelle-Écosse est considérée comme l’une des provinces les plus avancées en la matière. La Colombie-Britannique a aussi officialisé l’enseignement des STIM dans ses programmes. L’Ontario, quant à lui, commence tout juste à prendre des mesures en ce sens, après avoir découvert que plus de la moitié de ses élèves de sixième année n’atteignaient pas la norme provinciale en mathématiques.
Les effets négatifs de la surspécialisation des emplois qui ont marqué la fin du 20e siècle ont toutefois été largement dénoncés. En effet, la division du travail est devenue un fardeau pour les entreprises qui peinent à recruter des personnes dont les compétences sont transférables d’une fonction à l’autre.
À l’heure où l’on prend conscience qu’il est impossible de prédire avec précision les futurs besoins de main-d’œuvre, certains observateurs appellent à ne pas délaisser l’enseignement des arts et des lettres au profit des STIM.
« Les compétences fondamentales comme la créativité ou l’innovation, contrairement à la littératie et à la numératie, ne sont pas intégrées aux disciplines », écrit l’universitaire Paul Syme dans son analyse du nouveau programme de STIM de la Nouvelle-Écosse. « Le système moderne de la Nouvelle-Écosse continue à enseigner aux étudiants des aptitudes essentiellement mécaniques ou techniques. »17
Un rapport publié en mars par la Banque Royale du Canada (RBC) appelle à une révision nationale des programmes postsecondaires, y compris l’enseignement des STIM, afin que les risques d’une main-d’œuvre surspécialisée soient bien pris en compte. Il faudra ainsi mettre l’accent sur la formation transdisciplinaire afin de donner naissance à une main-d’œuvre pouvant « faire le lien entre les technologies et l’humain. »18 D’après les auteurs, les progrès de l’intelligence artificielle exigeront des travailleurs canadiens non seulement qu’ils maîtrisent les outils numériques, mais aussi qu’ils développent, à un niveau avancé, des « aptitudes humaines fondamentales » telles que l’écoute active, la pensée critique et la perspicacité sociale.19
SOMMAIRE : Bâtir une main-d'œuvre innovatrice et flexible
- Les entreprises sont forcées de considérer des changements à leur modèles d'affaires à cause des changements technologiques
- On a beaucoup parlé du besoin de main-d'œuvre dans les domaines de la science, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques (STEM), mais les emplois non-STEM sont tout aussi importants
- Indépendamment de leurs compétences, les travailleurs de l'économie de l'innovation doivent être adaptables, agiles et avoir un haut niveau d'intelligence émotionnelle
- À l'heure actuelle, les Canadiens n'ont pas les compétences nécessaires pour être compétitifs dans l'économie de l'innovation