Recruter des hauts dirigeants qualifiés pour mener le changement
Dans ce chapitre:
« La première étape de l’internationalisation, c’est la décision stratégique prise par un leader. »
Les hauts dirigeants qualifiés ont une énorme incidence sur le succès des entreprises à l’étranger. Les leaders formulent une vision, établissent une marche à suivre et définissent une culture d’entreprise. Ils s’appuient sur des réseaux internationaux pour conclure des partenariats décisifs. Ils ont par ailleurs l’influence nécessaire pour prendre les décisions qui vont orienter la stratégie de croissance de leur organisation.
Dans l’un de nos récents sondages auprès d’exportateurs canadiens, nous avons constaté que le rôle de la haute direction était le facteur principal de la réussite des entreprises hors du Canada.
- Parmi les entreprises prospères à l’étranger qui ont participé à l’enquête, 79 % ont déclaré que leurs hauts dirigeants enregistraient d’excellents résultats de vente à l’extérieur du Canada.
- Les trois quarts d’entre elles ont indiqué que leur haute direction était prête à prendre des risques pour développer l’organisation.
- Près des trois quarts (73 %) ont déclaré que leurs hauts dirigeants avaient fait de la croissance internationale une priorité.
Les entreprises de petite taille avancées sur le plan technologique et concurrentielles à l’étranger doivent être menées par de hauts dirigeants dont le profil est aussi complexe que le leur. Voici certaines des compétences que doivent posséder les leaders des organisations modernes :
- Aptitudes en communication – les hauts dirigeants sont les ambassadeurs de leurs entreprises et doivent transmettre aux employés des échelons inférieurs une vision claire.
- Connaissance des différences culturelles – De la diversité des organisations dont ils ont la charge à la compréhension des acheteurs et des vendeurs étrangers, les leaders doivent être sensibles aux nuances culturelles dans le monde des affaires.
- Maîtrise du numérique – Pour tirer au mieux parti des technologies qui s’offrent à eux, les hauts dirigeants doivent bien comprendre les capacités, les occasions et les risques associés à l’adoption de ces outils.
Dans un sondage mondial réalisé en 2017, des cadres ont placé la communication, la transparence et la capacité de donner l’exemple en tête des compétences qu’ils devaient maîtriser pour diriger les organisations complexes. 27 D’autres ont également ajouté à la longue liste des qualités du dirigeant idéal l’art du récit, la persuasion, la résolution de problèmes et l’esprit de décision.
Le leadership est aussi essentiel à la croissance internationale. Dans un rapport de 2016, le Conference Board du Canada a fait des cadres expérimentés l’un des quatre éléments déterminants pour la réussite des entreprises mondiales. Cette étude a aussi mis en lumière les trois caractéristiques principales des hauts dirigeants qui brillent à l’étranger.
4.3.1 Des compétences entrepreunariales
Les entrepreneurs prennent des risques, innovent et font des choix décisifs. Ils sont aussi toujours à l’affût de nouvelles occasions.
Un leader entreprenant est capable de se mettre en danger et de prendre des décisions audacieuses, même lors de périodes d’incertitude. Créatif, il doit être en mesure de donner l’exemple et de mener par son expertise pour favoriser l’élaboration de nouveaux produits et processus.
« Ce leader est proactif », indique Kristelle Audet. « Il peut repérer les occasions, notamment internationales, et agir en conséquence. »
4.3.2 Un engagement total envers la croissance, y compris une vision d’exportation
« L’expansion internationale consiste à amener une entreprise à déployer une stratégie qui entraînera une croissance rapide », précise Mme Audet. « Les leaders doivent formuler très clairement leurs attentes pour amener leurs équipes à réussir à l’échelle mondiale.
La volonté seule ne suffit pas toujours à connaître le succès. Mais la combinaison d’une vision internationale et d’une prise de risques de la part de la haute direction constitue souvent le moteur de la croissance mondiale. »
4.3.3 Une expérience internationale
Les hauts dirigeants qui ont acquis de l’expérience dans d’autres pays sont bien mieux outillés pour gérer les défis et les incertitudes du commerce international.
« En outre, ils peuvent solliciter leurs réseaux de précieux contacts pour repérer des débouchés sur les marchés étrangers », indique Mme Audet.
Elle tient toutefois à apporter une nuance : pour qu’une entreprise prospère sur de nouveaux marchés, ses cadres supérieurs ne doivent pas forcément avoir une expérience internationale. Ils doivent cependant être suffisamment conscients de leurs limites pour savoir quand demander de l’aide.
« Il s’agit en fait de s’entourer d’une équipe dont les compétences viendront compléter les vôtres », résume Mme Audet.
Pour réussir à attirer et à retenir les cadres supérieurs compétents et à tirer parti de leur valeur, il est utile de comprendre d’abord la raison de leur rareté. Cette tendance a été annoncée il y a près de 20 ans, quand des chercheurs du monde des affaires ont prédit qu’une pénurie de hauts dirigeants attendrait son apogée en 2015. L’article Death of Executive Talent (La fin des dirigeants talentueux), publié dans le numéro de juillet-août 1999 de la revue de l’American Management Association, portait bien son nom. Ses auteurs n’étaient pas devins, mais ils sont parvenus à anticiper la pénurie imminente de cadres supérieurs, à leurs yeux « le problème épineux devant plomber le commerce du nouveau siècle. »28
Les chercheurs ont décrit à l’époque les facteurs démographiques, technologiques et organisationnels qui allaient contribuer à cette pénurie. Le rajeunissement de la main-d’œuvre allait entraîner une réduction du bassin de professionnels en milieu de carrière pouvant un jour prétendre à des postes de hauts dirigeants. Les leaders modernes devraient par ailleurs avoir un certain bagage technologique. Enfin, la taille moyenne des organisations diminuerait par rapport aux décennies précédentes. Par le passé, les employés pouvaient gravir les échelons au sein d’une entreprise, acquérant des compétences dans des postes interfonctionnels. Ils avaient une plus grande liberté d’aller d’un secteur à l’autre, voire d’une profession à l’autre. « Les entreprises de taille réduite vont supprimer les postes intermédiaires (d’adjoints ou d’assistants) amenés à se transformer en poste de direction », se désolaient alors les auteurs.
« La recherche de cadres supérieurs expérimentés est la première contrainte des jeunes entreprises canadiennes. »
4.4.1 Une main-d’œuvre surspécialisée
La complexification du profil des hauts dirigeants a grandement restreint le bassin des candidats qualifiés.
Depuis les années 1960, on assiste à une course à la spécialisation. Cela se manifeste notamment par des diplômes supérieurs de plus en plus élevés dans chaque discipline et par une professionnalisation des fonctions associées aux emplois. De nombreux employés sont ainsi des spécialistes d’un domaine, mais n’ont pas une formation suffisamment étendue pour diriger les organisations internationales modernes, aux multiples facettes.
Chercher à promouvoir des spécialistes aux postes de gestion ou de direction peut-être un frein plutôt qu’un moteur de la croissance.
« Cet employé maîtrise vraiment bien les réseaux, donnons-lui les rênes du service », ironise Tim Truman, architecte de systèmes de cybersécurité pour les entreprises pétrolières et gazières canadiennes. « Ça ne marche pas comme ça. Cette personne a peut-être d’excellentes compétences techniques, mais elle doit aussi savoir communiquer, résoudre des problèmes, poser des questions ou encore prendre des décisions et bâtir une équipe qui soit source d’inspiration et d’orientation. »
4.4.2 Des Canadiens réticents à partir à l’étranger
Les défis uniques du Canada en matière de recrutement de cadres supérieurs sont aussi liés à la géographie. On sait que l’expérience hors des frontières est un atout essentiel pour les hauts dirigeants souhaitant faire affaire sur les marchés étrangers. Mais de nombreux Canadiens préfèrent rester au pays.
Dans un rapport publié en 2016, la Chambre de commerce du Canada relevait que seuls 3 % des étudiants universitaires canadiens partaient à l’étranger chaque année, alors que 97 % des établissements proposaient des programmes d’échanges internationaux. Voici certaines des compétences apportées par l’éducation internationale :
- Plus grande prise de risques
- Adaptabilité
- Flexibilité
- Compétences linguistiques et interculturelles
- Connaissance des marchés mondiaux29
4.4.3 Peu de jeunes entreprises canadiennes actives à l’étranger se pérennisent
Selon une recherche du Lazaridis Institute for the Management of Technology Enterprises, on assiste au scénario de la poule et de l’œuf. Kim Morouney, directrice générale du Lazaridis Institute, qui supervise un programme d’expansion pour les jeunes entreprises technologiques, indique que les organisations canadiennes se démarquent incontestablement en matière d’innovation et d’entrepreneuriat, mais manquent souvent de compétences de direction et de la vision nécessaires à la croissance internationale.
« Nous n’avons pas d’entreprises canadiennes de taille mondiale, car nous manquons de hauts dirigeants compétents pour y parvenir », déplore Mme Marouney. Selon elle, les organisations qui florissent sont souvent rachetées par de grandes firmes internationales qui absorbent les cadres entrepreneurs canadiens.
« Le problème, c’est que les hauts dirigeants avec une expérience mondiale nous font défaut. Il n’y a donc pas de mentors capables d’aider les jeunes entreprises à croître à l’étranger », ajoute-t-elle.
SOMMAIRE : Trouver des cadres compétents pour diriger dans le changement
Les entreprises ont besoin de dirigeants qui disposent d'un ensemble de compétences, de relations et de partenariats afin d'offrir de la valeur au XXIe siècle, notamment des compétences entrepreneuriales, un engagement envers la croissance et de l’expérience internationale. Cependant, le nombre de cadres qui correspondent à ce profil est insuffisant, ce qui rend difficile le recrutement de cadres supérieurs par les entreprises. Il y a plusieurs raisons à cela, notamment :
- De nombreux travailleurs doivent maintenant être hautement spécialisés, ce qui signifie qu'ils avancent dans leur carrière et leur lieu de travail non pas à cause de compétences qui feront d'eux de très bons cadres, mais plutôt à cause de leurs connaissances techniques. Ces compétences ne transfèrent pas nécessairement à des postes supérieurs qui exigent la résolution de problèmes, la créativité et l'intelligence émotionnelle
- Les travailleurs canadiens hésitent à acquérir de l'expérience à l'étranger
- Peu d'entreprises internationales canadiennes vont au-delà du statut de « start-up », ce qui signifie que de nombreux cadres n'ont jamais l'opportunité de développer les compétences et la vision requises pour évoluer à l'international.