La conduite en hiver, ce n’est pas pour les âmes sensibles. La poudrerie, la glace, la sloche et les routes enneigées sont pourtant des réalités incontournables de notre hiver canadien. 

L’économie mondiale a commencé 2022 sur des chapeaux de roue, après avoir gravi des pics, traversé des vallées et négocié des virages parfois avec peu de visibilité. Lorsque le monde a émergé de la pandémie mondiale, l’élan de la demande – porté par les mesures de soutien publiques – a été réprimé par les perturbations touchant les chaînes d’approvisionnement, avec comme résultat une inflation inédite en 40 ans. 

Le risque de surchauffe a poussé les banques centrales à intervenir, notamment par des hausses fréquentes et notables des taux d’intérêt. La flambée des prix des carburants et des aliments a obligé les consommateurs, au Canada comme aux États-Unis, à puiser dans leurs réserves excédentaires et à miser sur le dynamisme continu du marché de l’emploi pour maintenir le rythme des dépenses. Dans son édition de l’hiver 2023 des Perspectives économiques mondiales, les Services économiques d’EDC prévoient, pour 2022, une croissance des économies canadienne et américaine de 1,8 % et 3,4 %, respectivement. 

Mais maintenant ces deux économies semblent sur la voie de droite. Quand la croissance du marché de l’emploi et des salaires se met à ralentir, la « réserve de secours » s’approche de zéro; l’effet de richesse négatif associé aux prix moins élevés des actifs devient alors problématique : ce n’est qu’une question de temps avant de sentir l’impact des prix et des taux d’intérêt.

Nous anticipons un recul de la croissance de l'économie canadienne, qui s'établira à tout juste 0,2 % en 2023, sous l’effet du repli du cours des produits de base, du ralentissement de l'activité du marché de l'habitation et de l'endettement élevé des consommateurs. L’économie américaine ne fera pas beaucoup mieux, avec une croissance de 0,4 %.

Après une année marquée par plusieurs hausses spectaculaires des taux d’intérêt, au Canada et aux États-Unis, les banques centrales devraient modérer la cadence en début d’année et éviter de nouvelles hausses pendant la majeure partie de 2023. Les autorités monétaires pourraient même envisager un revirement de politique à la fin de 2023 et en 2024, à mesure que l’inflation mensuelle se rapproche de la cible et que la croissance marque le pas. Pour autant, les autorités ne comptent pas activer le « régulateur de vitesse » : elles surveilleront le tableau de bord et resteront à l’affût de l’impact de nouvelles hausses des salaires et d’un regain des tensions sur les prix.

Les perspectives pour l’Amérique du Nord pourraient avoir atteint un point culminant en 2023. Quant à l’Europe, elle semble pour ainsi dire « s’être rangée sur le côté de la route ». En riposte à la guerre menée par la Russie en Ukraine, les économies européennes ont interdit le gaz russe acheminé par pipeline et imposé des sanctions ciblant le pétrole brut transporté par navires, les denrées agricoles et les engrais provenant de Russie. Ces mesures privent le continent européen des ressources nécessaires pour faire tourner ses moteurs industriels et font grimper les prix à la consommation.

 


Face aux efforts pour déplacer les chaînes d’approvisionnement, l’Allemagne et les autres pôles industriels de la région devront remédier aux lacunes de leurs capacités de fabrication afin d’éviter tout dommage permanent. La région doit aussi se préparer à deux hivers où elle sera plus vulnérable : une météo peu clémente pourrait épuiser ses stocks d’énergie limités, ce qui gonflerait les prix de l’énergie et minerait l’activité économique. Vu ce contexte, nous projetons un déclin de la croissance de la zone euro à 0,1 % en 2023; les perspectives pour l’économie allemande sont plus moroses à -0,8 %, compte tenu de sa dépendance envers le gaz naturel russe.

Comme l’économie européenne devra composer avec des conditions encore plus difficiles, la Banque centrale européenne devra tantôt accélérer et tantôt ralentir la cadence. Par conséquent, nous nous attendons à ce que le taux directeur de la BCE culmine à un niveau inférieur que celui de ses pairs au 2T2023; de même, nous nous attendons à ce que les autorités commencent à se départir d’obligations acquises ces huit dernières années – dont la valeur se chiffre à 7 250 milliards d’euros – tout en suivant de près l’évolution de la croissance et la stabilité financière.

Le gouvernement chinois tentera de donner un coup de fouet à son économie, ce qui aidera la croissance a dépassé le seuil de 5 % en 2023, le tout à un rythme modéré. La réouverture complète de l'économie chinoise représente à ce moment-ci un risque d'amélioration. La performance d'autres marchés en développement restera pénalisée par le coût élevé des aliments et des carburants, des tensions sociales latentes et la détérioration de la dynamique de la dette dans un contexte de resserrement du crédit à l'échelle mondiale.

Conclusion 

Le trajet s’annonce difficile pour l’économie mondiale. Même si une récession mondiale et une forte contraction de l’activité économique ne font pas partie de notre scénario de référence, certains pays entreront en récession tandis que d’autres se tireront à peine d’affaire. Les chemins enneigés et la poudrerie forceront les « voyageurs » à rouler plus lentement pour éviter des dangers peu apparents.

D’après nous, la croissance de l’économie mondiale sera d’à peine 2,3 % en 2023, le taux le plus faible depuis la crise financière mondiale, l’année 2020 faisant figure d’exception. Pour faire face au repli de la demande internationale et au regain de la volatilité, les exportateurs canadiens devront mettre au point leurs stratégies de gestion des risques et rester vigilants. Ceux qui sont bien préparés à affronter ces conditions difficiles seront les premiers à profiter des opportunités à venir.

Tous nos remerciements à Ross Prusakowski, directeur du Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente édition. 

Les Services économiques d’EDC vous invitent à leur faire part de vos commentaires. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future du Propos.

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