Stuart Bergman

L’investissement soutenu en R-D : vital à la réussite des exportateurs

Dans cette chronique, nous avons à maintes reprises affirmé qu’une petite économie ouverte comme le Canada est tributaire du commerce pour générer des emplois, créer de la richesse et élever le niveau de vie. Nous avons donc tout intérêt à ce que les exportateurs canadiens, véritables piliers de la prospérité de notre nation, réussissent à l’international. Est-ce, en définitive, le cas?

Depuis deux décennies, les marges bénéficiaires des exportateurs canadiens augmentent : de 9 % en moyenne en 2005 à 14 % en 2022. Ce bond s’explique par des gains d’efficience opérationnelle et les conditions favorables du marché. Toutefois, l’intensité des exportations, soit la part de l’ensemble des recettes exprimée en part des exportations, est demeurée relativement élevée : cet apport oscille autour de 22 % à 23 %, taux qui a glissé au creux de 18 % lors de la pandémie.

Parallèlement, le nombre moyen de destinations d’exportation par exportateur a suivi la trajectoire ayant la forme d’un U inversé : partant de 2,7 pays en 2005, culminant à 3,2 en 2017, puis chutant à 2,8 en 2022. Si la tendance se maintient, le Canada risque de perdre les modestes gains réalisés en perçant de nouveaux marchés avant la pandémie. Certes, les exportateurs ont augmenté leur chiffre d’affaires, mais ils n’ont pas étendu leur rayonnement international; voilà une tendance qui n’augure rien de bon pour la croissance durable et pérenne des exportations.

Investissement en R-D : le retard du Canada, un risque pour la compétitivité et la croissance de nos exportateurs

Dans ce contexte, un autre tendance se dessine. En 2005, les exportateurs canadiens ont consacré 3,7 % de leur chiffre d’affaires à la R-D, contre 2,2 % en 2022, et il y a peu d’indices permettant de croire que cette dynamique s’inversera. Cette régression contraste avec les tendances d’investissement chez les principaux rivaux du Canada sur la scène de l’exportation.

À l’heure actuelle, le Canada occupe le bas du classement parmi les nations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour ce qui est de l’investissement en R-D par secteur exprimé en part du produit intérieur brut (PIB), soit près de la moitié de la moyenne du groupe et loin derrière les nations formant le peloton de tête comme Israël, la Corée du Sud, la Suède, les États-Unis et le Japon. Le Canada abrite un secteur des études supérieures se portant plutôt bien, avec des investissements de l’ordre de 0,6 % du PIB, contre en moyenne 0,4 % pour l’OCDE. Cependant, cela ne suffit pas à compenser le manque de tonus du côté de l’investissement des entreprises.

L’innovation et la R-D renforcent la diversification des exportations et la résilience des entreprises

La dépendance du Canada envers les États-Unis est de plus en plus sous la loupe cette année, soit depuis l’imposition des droits de douane par l’administration en poste à Washington. Or, il est très difficile de diversifier ses marchés sans innover. Pour s’implanter sur de nouveaux marchés et répondre à une demande mondiale de plus en plus complexe, les entreprises canadiennes doivent offrir des produits qui sortent du lot et tirer parti de l’avantage détenu par notre pays dans diverses sphères d’activité.

Dans l’édition 2025 du Rapport sur les technologies propres d’EDC intitulé Avenir des technologies propres : croissance, rentabilité, nécessité, nous avons indiqué que l’innovation canadienne dans les créneaux technologiques du chauffage et de la réfrigération offre des avantages stratégiques pour l’électrification et les initiatives de transformation du carbone à l’échelle mondiale. Ainsi, la R-D ciblant les procédés industriels peut se traduire par des gains d’efficiences et des économies, avec à la clé des exportations canadiennes plus concurrentielles dans un monde où il devient de plus en plus onéreux de mener des activités commerciales.

L’investissement en R-D facilite la diversification des marchés, mais pas seulement. Il est un vecteur de croissance de la productivité, élément incontournable d’une compétitivité pérenne. Les lauréats 2025 du prix Nobel d’économie, dont fait partie l’économiste canadien Peter Howitt, font valoir que l’innovation et les avancées technologiques sont les véritables dynamos de l’essor économique. Pareils progrès se font de manière graduelle plutôt que par des percées rarissimes de nature transformationnelle. Au vu de cette réalité, le fait d’investir de façon soutenue en R-D et d’aménager une culture faisant la part belle à l’amélioration continue aura un effet multiplicateur au fil du temps. 

Les investissements en R-D : clé de la productivité et de la compétitivité mondiale à long terme

Dans une récente parution de notre chronique Zone commerce, intitulée Productivité et diversification : dynamos de la croissance à l'export, nous avons précisé que la productivité de la main-d’œuvre chez les exportateurs canadienne était plus que le double de celle de l’ensemble des entreprises du pays entre 2005 et 2022. Ces gains proviennent non seulement des sociétés déjà productives se tournant vers l’exportation, mais aussi des exportateurs profitant des améliorations au chapitre de la productivité et d’une plus grande diversification.

La numérisation, l’automatisation et l’intelligence artificielle sont en train de transformer les industries à une cadence inédite. De fait, en investissant constamment dans la R-D, les entreprises sont mieux à même de s’adapter aux chocs économiques et technologiques. En vérité, elles investissent dans leur capacité à innover et à faire preuve de résilience.

D'ailleurs, à ce propos, une recherche réalisée par la Rotman School of Business de l’Université de Toronto conclut que les exportateurs investissant dans la R-D s’en tirent mieux que les autres entreprises advenant une appréciation du huard, et étaient plus susceptibles dans une proportion de plus de 105 % à survivre à la crise financière de 2008 et 2009. La raison? Ces entreprises avaient des produits se démarquant et une compétitivité ne reposant pas uniquement sur les prix.

De surcroît, la création de valeur dépend de plus en plus de la propriété intellectuelle, du capital-marque et du savoir-faire technologique plutôt que le capital physique. Résultat : les pays qui mènent le bal dans la sphère de l’innovation récoltent des retombées nettement plus importantes sur deux plans en particulier : la valeur supérieure des exportations et la main-d’œuvre qualifiée. Et fait digne de mention, une analyse de l’OCDE révèle que l’investissement en R-D bonifie la valeur totale des biens haut de gamme du secteur de la fabrication et les emplois dans les filières de pointe.

Conclusion : les exportateurs canadiens doivent investir en R-D dès maintenant pour demeurer concurrentiels à l’échelle mondiale

Nos exportateurs ont jeté de solides bases et continuent d’apporter leur pierre à l’édifice de la prospérité économique du Canada. Or, pour prospérer dans un marché mondialisé, le Canada doit miser sur l’innovation. En clair, pour les entreprises, il est impératif d’investir dans la R-D dès à présent pour se diversifier, rester dans la course et saisir des débouchés dans une économie mondiale en rapide mutation.

Nous tenons à remercier chaleureusement Hassan Goreja, économiste principal aux Services économiques d’EDC, pour sa contribution à la présente chronique.

N’oubliez pas que votre avis est très important pour les Services économiques d’EDC. Si vous avez des idées de sujets à nous proposer, n’hésitez pas à nous les communiquer à l’adresse economics@edc.ca et nous ferons de notre mieux pour les traiter dans une édition future.

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Date de modification : 2025-12-11