
Le commerce international subit des perturbations d’une ampleur inédite : sous la forme d’offensives tarifaires ou encore de revirements sans précédent sur le front des politiques. Pour les exportateurs canadiens, cette incertitude est particulièrement éprouvante vu notre dépendance aux exportations à destination des États-Unis. C’est donc sans surprise que l’indice de confiance commerciale mesurée par Exportation et développement Canada (EDC) pendant l’été 2025 a glissé de 3,3 points pour s’établir à 65,7.
Rappelons que l’indice, déterminé à partir des réponses à notre sondage mené deux fois l’an, nous éclaire depuis 1999 sur la perspective des entreprises canadiennes exportatrices et prêtes à exporter quant au contexte à venir.
Voici les principales constatations du sondage de 2025 de l’ICC :
- L’indice de confiance commerciale a glissé de 3,3 points pour s’établir à 65,7
- 63 % des exportateurs interrogés s’attendent à ce que les surtaxes douanières nuisent à leurs ventes internationales
- 40 % des exportateurs sondés font état d’une diminution de leurs commandes américaines
- 72 % des entreprises exportatrices de biens envisagent de percer de nouveaux marchés
Le plus récent résultat, publié le 8 septembre, figure parmi les plus bas enregistrés. Ainsi, l’indice a chuté en deçà de ce creux à trois reprises seulement : lors de la crise financière mondiale, lors de la crise de la COVID-19 et lors de l’envolée de l’inflation dans le sillage de la pandémie. Le pessimisme plus marqué à l’égard de l’évolution des ventes et les préoccupations entourant le contexte économique mondial moins favorable sont les deux principaux éléments à l’origine du repli de l’indice.
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La dépendance envers le marché américain fait ressortir les risques pour la chaîne d’approvisionnement
Le commerce extérieur du Canada est résolument tourné vers le marché étatsunien en raison de la présence de chaînes d’approvisionnement fortement intégrées dans une myriade de secteurs. De fait, plus de 60 % des exportations canadiennes prennent la forme de biens traversant la frontière canado-américaine à de multiples reprises. Cette interdépendance fait ressortir les profondes vulnérabilités des échanges. Au vu de ce contexte, pas moins de 63 % des entreprises ayant participé au sondage s’attendent à ce que les droits de douane nuisent à leurs ventes internationales et 40 % redoutent des répercussions sur leurs ventes au pays.
En parallèle, l’effet des tarifs fait grimper le prix des intrants dans les chaînes d’approvisionnement locales et mondiales. Près de 70 % des répondants déclarent s'approvisionner en biens et en services auprès d'entreprises à l'étranger, et 48 % d’entre eux font état d’une augmentation du prix des intrants à l’international. Quant aux exportateurs qui s’approvisionnent sur le marché national, ils sont 53 % à signaler une hausse du prix des intrants au pays, situation qui témoigne de l’impact des droits tarifaires sur l’économie en général.I respondents source goods and services from international firms. Of those, 48% report rising international input prices. Among those sourcing domestically, 53% report increased costs—highlighting the broader economic impact of tariffs.
Les exportateurs font état d’une diminution de leurs commandes américaines
Parmi les entreprises exportant déjà aux États-Unis, 40 % font mention d'une chute de leurs commandes américaines au cours des six derniers mois, soit un net bond de 16 % par rapport au sondage de la fin 2024. D’ailleurs, 36 % d’entre eux escomptent d’autres baisses des commandes américaines dans un horizon de six mois.
Les entreprises interrogées négocient le virage tarifaire en adoptant diverses stratégies : en absorbant les coûts et en rognant sur leurs marges bénéficiaires (28 %); en intensifiant leurs activités et leurs ventes sur le marché national (26 %); ou en s’approvisionnant à l’échelle locale (23 %). Fait digne de mention, le quart des répondants ont déclaré déployer des efforts pour se diversifier vers de nouveaux marchés d’exportation.
La diversification des exportations s’intensifie
En 2024, on estimait à 70 % la part totale des exportations de biens et de services prenant la direction des États-Unis. Pour réduire cette exposition, il est primordial d’aider les exportateurs à diversifier leurs réseaux et à atténuer progressivement leur dépendance au marché étatsunien. La diversification commerciale a été un thème souvent évoqué lors de cette édition du sondage.
Plus de 70 % des entreprises sondées prévoient exporter vers de nouvelles régions au cours des deux prochaines années. Les destinations en tête de liste : l'Europe, l’Indo-Pacifique et l’Amérique latine. Les approches privilégiées nous procurent des renseignements fort utiles. Ainsi, les exportateurs cernent désormais une poignée de marchés cibles dans les régions choisies, tendance qui laisse entrevoir la nécessité de développer une stratégie plus pointue pour épauler les efforts de diversification du Canada.
Parmi les entreprises sondées exportant des biens, 72 % envisagent de percer de nouveaux marchés au cours des deux prochaines années, l’Europe étant la première destination hors États-Unis. La Corée du Sud et le Japon brillent par leur absence, ce qui permet de croire qu’il faudrait bonifier le soutien aux exportateurs afin de les aider à dénicher d’autres marchés à fort potentiel.
Les accords de libre-échange sous-utilisés par les exportateurs canadiens
Le Canada a scellé 15 accords de libre-échange (ALE) avec 51 pays. Grâce à ces accords, une part importante des exportations canadiennes profitent d’un accès en franchise de droits. Les résultats du sondage révèlent toutefois que les exportateurs sous-utilisent de tels accords.
Tout juste 58 % des entreprises exportant vers le marché américain tirent parti de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Et fait intéressant, parmi les entreprises ne s’étant pas prévalues de cet accord, 60 % invoquent l’inadmissibilité de leur secteur ou de leur produit. Voilà qui est révélateur des besoins en temps réel des exportateurs de certaines filières.
Par ailleurs, à peine 34 % des entreprises interrogées exportant vers l’Union européenne indiquent faire appel à l’Accord économique et commercial global (AECG). De même, seulement 14 % des entreprises exportant dans l’Asie-Pacifique affirment faire appel à l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Dans l’ensemble, le recours limité aux ALE met en évidence des lacunes sur les plans des connaissances et de la conformité, lacunes auxquelles il faudrait remédier pour que les exportateurs profitent pleinement des débouchés d’exportation et des occasions de diversification.
Les principaux défis pour les exportateurs en 2025
Les défis abondent pour les entreprises exportatrices et prêtes à exporter. Parmi les défis les plus souvent cités : les tarifs douaniers (30 %), la conjoncture économique mondiale (29 %) ainsi que la prospection de clients potentiels et la mise en relation avec ces derniers. Ces réponses montrent à quel point l’incertitude joue sur la conduite des affaires.
Les exportateurs doivent en outre composer avec des tensions financières grandissantes attribuables à la détérioration de la conjoncture commerciale qui se manifeste de plusieurs façons : les problèmes de trésorerie (36 %), l’augmentation des dépenses (35 %) et la difficulté à maintenir la profitabilité des activités. En outre, ils évoquent aussi l’accès difficile au financement, alors que 26 % des répondants soulignent que le financement constitue une préoccupation de tous les instants. Plus du tiers des répondants s’attendent à la dégradation des modalités financières au cours des six prochains mois. Il s’agit là d’un bond statistique considérable par rapport au taux de 22 % observé lors du sondage effectué à la fin de 2024.
Pour bon nombre, le meilleur moyen de gérer les risques commerciaux est de renforcer sa résilience, et notamment par la voie d’investissements internationaux. Lors de notre sondage de la fin 2024, les répondants ont déclaré dans une proportion de 46 % faire – ou vouloir faire – des investissements directs à l’étranger au cours des deux prochaines années. Lors du sondage de la mi-2025, ce taux a grimpé à 55 %. Des répondants prévoyant s’établir sur de nouveaux marchés, 60 % ont mentionné qu’ils avaient besoin de financement pour mener à bien leur projet. Compte tenu des difficultés entourant la trésorerie et la profitabilité, il serait opportun de veiller à ce que les solutions de fonds de roulement et de financement d’EDC servent au mieux les ambitions de croissance et de diversification des exportateurs.
La conclusion : se diversifier pour être plus résilient
En raison de notre forte intégration industrielle avec les États-Unis, les exportateurs canadiens font les frais des surtaxes douanières et de l’incertitude pesant sur la sphère commerciale. Or, ils peuvent se prémunir de ces risques en renforçant leur résilience de plusieurs façons : la diversification des marchés, l’expansion stratégique et le plein recours aux accords de libre-échange. Malgré une confiance commerciale toujours en berne, les exportateurs diversifient leur exposition et explorent de nouveaux débouchés en faisant appel à notre soutien sur mesure et à notre connaissance des marchés.
Nous tenons à remercier chaleureusement Prerna Sharma, économiste principale au Centre d’information économique et politique d’EDC, pour sa contribution à la présente chronique.
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