Savoir innover

Dans toute entreprise, la crainte d’échouer constitue l’un des principaux freins à l’innovation. Souvent, on se prive de nouvelles idées simplement parce qu’on refuse de remettre en question le statu quo. La direction refuse d’examiner les nouvelles idées parce qu’elles nous détournent des tâches habituelles et quotidiennes, tâches qui nous offrent un rendement mesurable. Et puis, c’est le succès, et non pas l’échec, qui est valorisé par les entreprises.

Selon Laurence Lehman Ortega, professeure affiliée de stratégie et politique d’entreprise à HEC Paris : « Lorsque nous sommes enfants, on nous dit que nous devons réussir et nous sommes récompensés lorsque nous y parvenons. En entreprise, les gestionnaires n’obtiennent la reconnaissance et les récompenses que de leurs succès et dès lors, ils hésitent à prendre des risques. »¹⁰

L’effet silo – le fait que les divers services d’une entreprise travaillent sans se concerter – est un des principaux freins à l’innovation. Lorsque les diverses unités travaillent seules, cela entraîne un bris des communications au sein de l’entreprise, ce qui a des effets néfastes sur la cohérence de l’entreprise, ses cibles et ses activités.

Il n’y a pas d’innovation sans communication au sein de l’entreprise.

Très peu de descriptions de poste attachent une importance à la créativité. Plusieurs entreprises hésitent donc à permettre à leurs employées de se concentrer sur l’innovation, puisque tout est axé sur la charge de travail à abattre.

En 2017, en effectuant un sondage auprès de 270 directeurs des finances d’entreprises, la firme de spécialistes en ressources humaines Robert Half a découvert que la charge quotidienne de travail constituait le principal frein à l’innovation (33 % des répondants).¹¹ Si la direction de l’entreprise ne prévoit pas des périodes de temps où certains employés doivent se concentrer sur l’innovation au sein de l’entreprise, rien ne changera.

La bureaucratie et des politiques désuètes ne font pas que réduire la productivité, elles tuent l’innovation aussi.

Selon un sondage effectué en 2017 par la Harvard Business Review, environ deux tiers des dirigeants d’entreprise estiment que la bureaucratie est de plus en plus lourde au sein de leur organisation, alors que les tâches dites bureaucratiques occupent en moyenne 28 % de la semaine de travail, soit plus d’une journée par semaine. Environ 80 % des répondants disent que le fait de proposer de nouvelles idées au sein de l’organisation est vu avec scepticisme, et deux tiers estiment que la bureaucratie ralentit le processus décisionnel.¹²

L’innovation exige temps et argent.

Les entreprises dont la marge de profit est minime ne consacreront certainement pas beaucoup de ressources pour développer de nouvelles idées à moins que celles-ci ne génèrent un rendement sur l’investissement dans le même exercice financier.

Il y a donc un manque évident de ressources et d’encouragement pour permettre aux employés de consacrer du temps à réfléchir aux innovations.

C’est souvent au service des ressources humaines d’une entreprise que se trouvent les principaux obstacles à l’innovation. Dans certains services des ressources humaines, on n’a pas le réflexe de recruter des employés qui seront des moteurs de l’innovation.

D’autres ne réussissent pas à apparier les talents avec les postes qui leur conviennent et, dès lors, des postes clés sont pourvus par les mauvaises personnes. Dans d’autres entreprises, une attitude trop rigide ou un manque de leadership fait en sorte que l’innovation est négligée alors qu’elle devrait plutôt être encouragée.

Cela a comme conséquence de miner le travail de la principale ressource d’une entreprise : ses employés. « Les gens constituent l’ingrédient secret de toute organisation innovante, qu’il s’agisse de la plus petite des jeunes pousses ou de la plus grande des multinationales », explique John Manley, chef de la direction du Conseil canadien des affaires et ancien vice-premier ministre du Canada.

Comment une entreprise peut-elle s’assurer que son service des ressources humaines ou d’autres services ne tuent pas la capacité d’innover des employés?

Tout part de l’engagement de la direction de l’entreprise à encourager et favoriser l’innovation.

Une recherche menée par la firme de conseillers en gestion McKinsey révèle que le principal défi auquel les dirigeants d’entreprises sont confrontés en matière d’innovation est de faire en sorte que les gens les plus talentueux puissent travailler sur des projets innovants. Quelque 40 % des répondants ne croient pas que l’entreprise possède les talents requis pour mener à bien leurs projets d’innovation.¹³

Plus de 70 % des dirigeants d’entreprise affirment que l’innovation est l’un des principaux moteurs de croissance, mais la plupart se disent « généralement déçus de leur capacité à stimuler l’innovation : en effet, 65 % des cadres supérieurs sondés avaient moyennement, un peu ou pas du tout confiance dans leur décision en matière d’innovation. »

Cet écart important entre la stratégie d’entreprise et la réalité sur le terrain est attribuable au fait qu’il est difficile d’installer une culture de l’innovation au sein d’une entreprise.

« Même créer une organisation où l’innovation jouerait un rôle central entraîne un lot de frustration beaucoup plus grand que ce que la plupart des cadres supérieurs peuvent même l’imaginer », affirme le rapport.

Connaître ses clients et chercher à combler leurs besoins, voilà qui est au cœur de l’innovation. Mais plusieurs compagnies voient l’innovation comme un exercice « interne » sans aucun apport de l’extérieur.

Cela ne signifie évidemment pas que vos clients doivent élaborer votre stratégie en matière d’innovation. Ils jouent toutefois un rôle clé en vous donnant leurs commentaires axés sur des résultats tangibles afin de vous aider à développer votre stratégie.

« L’innovation commence lorsqu’on a identifié les objectifs qu’un client souhaite atteindre », explique Anthony W. Ulwick, de Harvard Business Review. « Lorsque l’objectif du client devient notre objet de recherche, alors l’innovation n’est plus quelque chose de théorique, mais une activité gérable et prévisible. » ¹⁴