La tenue des cours pétroliers mondiaux a eu un effet dévastateur sur l’économie de l’Alberta au cours des cinq dernières années. Et pour ne pas arranger les choses, les contraintes de capacité touchant les pipelines ont considérablement limité les expéditions d’hydrocarbures, ce qui a entraîné un autre escompte majeur sur le pétrole albertain. Cette situation a enflammé le débat pour déterminer si la province doit accroître ses capacités de transport et percer de nouveaux marchés pour ses hydrocarbures – sans compter qu’il a ramené au-devant de la scène le terme « diversification ». Ce n’est pas étonnant puisque les conditions sont à nouveau réunies. Alors, est-ce là un enthousiasme passager, un autre engouement de la province pour une notion épisodique et purement intellectuelle?
En Alberta, le secteur pétrolier et gazier occupe une place prépondérante dans les exportations. Les exportations de pétrole brut et de gaz naturel représentent deux tiers de toutes les expéditions provinciales, et cette proportion a augmenté depuis le sommet déjà élevé de 58 % atteint au début du nouveau millénaire. En ajoutant à cela les exportations des raffineries et la fabrication pétrochimique, on s’approche du niveau de dépendance générale du Canada envers le marché américain. Voilà qui est monumental. Dans ces circonstances, est-il vraiment utile de relancer le débat sur la diversification?
Avant de répondre, examinons les autres secteurs d’exportation de l’Alberta. Dans les 25 principales exportations de biens de la province vers le reste du monde, on trouve notamment les produits alimentaires, les produits chimiques, la machinerie et, bien entendu, les produits à grande valeur ajoutée des industries pétrochimiques. Voilà les secteurs où la diversification pourrait avoir lieu. Est-ce une possibilité?
Commençons par le secteur pétrolier et gazier. Chercher à rehausser la valeur de la principale ressource de la province constitue une première forme de diversification : en faire plus avec cette ressource avant de l’expédier procure de la valeur et génère plus de retombées sur le marché intérieur. Voilà donc une bonne raison. Les expéditions de pétrole brut et de gaz naturel ont souffert ces dernières années. En revanche, celles des raffineries ont progressé en moyenne de plus de 11 %, et celles du secteur de la fabrication pétrolière de 9 %. En conservant ce taux pendant encore dix ans, la part de ces deux secteurs dans les exportations de biens passerait d’à peine 5 % à 9 %. Cette augmentation faible revêt une importance certaine. C’est un début.
D'autres secteurs pourraient suivre cette voie. En réunissant les principales catégories du secteur agroalimentaire albertain, nous ajoutons un autre 8 % aux exportations de biens. Il s’agit notamment des principales récoltes comme le blé et les oléagineux, les animaux vivants et les viandes transformées ainsi que la fabrication d’aliments surgelés. Leur contribution au tableau des exportations n’a pas vraiment changé au fil des ans, et leur croissance a été plutôt moyenne. Alors, y a-t-il ici une place pour la diversification?
La réponse est oui. On constate un raffermissement notable de la demande des marchés émergents envers les produits alimentaires de toutes sortes. En effet, la montée de la classe moyenne sur ces marchés a créé une très forte demande pour les produits protéinés, si bien que les acheteurs se tournent vers les grands exportateurs nets de la planète. La Chine est sans doute le premier prétendant, et elle est pour le moment le marché le plus prometteur à long terme. Fait intéressant, l’Alberta n’exporte pas beaucoup vers ce pays, ce qui, de premier abord, peut sembler décourageant. Toutefois, en y regardant de plus près, les débouchés sont considérables. Les chiffres nets de la dépendance de l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation nous permettent de croire que si elle emboîte le pas, l’Alberta pourrait voir ses exportations alimentaires devenir une véritable dynamo de son secteur des exportations. De fait, si ses exportations parvenaient collectivement à dégager une croissance annuelle de 15 % – ce qui ne va pas à l’encontre de certaines projections des besoins – le secteur gagnerait en importance et pèserait pour environ 22 % des exportations provinciales.
Et ce n’est pas tout. La Chine est de plus en plus friande des produits forestiers de l’Alberta. Les expéditions de pâtes de papier vers les États-Unis stagnent depuis 20 ans. Pourtant, durant cet intervalle, celles en direction de la Chine ont maintenu une remarquable croissance annuelle de 16 %. À cette cadence, dans un peu plus de trois ans, les expéditions de pâte de papier à destination de la Chine éclipseront celles vers le marché américain grâce à une croissance annuelle dépassant 9 %. Cette catégorie d’exportations est mineure, certes, mais ce taux est largement supérieur à la moyenne et il est la preuve en temps réel qu’une diversification est en train de s’opérer.
Je pourrais en dire plus à ce sujet, mais ce sera dans un prochain propos. Pour l’heure, il est clair qu’une dynamique de la diversification est à l’œuvre en Alberta et qu’elle pourrait transformer le tableau des exportations au cours de la prochaine décennie.
Conclusion?
La concentration des exportations de l’Alberta dans le secteur pétrolier et gazier fait écho à la dépendance du Canada envers le marché américain. Dans un cas comme dans l’autre, les analystes se résignent d’habitude à accepter cet état de fait comme une réalité permanente. Or, les chiffres nous montent, dans les deux cas, qu’il est possible de se diversifier, et ceux qui choisissent de la faire en récoltent les fruits.
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