Plusieurs facteurs déterminants façonnent l’avenir d’une économie – et l’un d’eux sort du lot. À la différence de la consommation ou des investissements publics, l’investissement n’est pas un élément ponctuel de l’ensemble des sommes investies. Il est l’élément capable de forger l’avenir, notamment du fait de son rôle dans la création et le commerce des biens et des services. Privé ou public, l’investissement est résolument tourné vers l’avenir, qu’il s’agisse de réaliser un projet à court terme ou encore dans un horizon lointain. C’est un fait : le recours aux technologies augmente de manière exponentielle depuis des décennies. Dans ce contexte, investir revêt une importance encore plus grande que par le passé. Le monde doit de toute évidence surmonter des défis de taille sur le front de l’investissement. Comment le Mexique tire-t-il son épingle du jeu dans ce domaine?
Le Mexique est tributaire du climat d’investissement mondial. En ce moment, les entreprises d’un peu partout sur le globe hésitent à investir en raison des turbulences dans la sphère des politiques commerciales. Pourtant, des progrès ont été accomplis : en décembre dernier, les États-Unis et la Chine ont conclu la phase 1 d’un accord commercial, par la suite signé le 15 janvier. Durant cette même semaine de décembre, l’issue du Brexit est devenue aussi plus claire, ce qui a rassuré les marchés financiers mondiaux inquiets de voir le Royaume-Uni et l’Europe empêtrés dans cette interminable saga. Pour le Mexique, le meilleur restait à venir, soit la signature de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (l’ACEUM). Au départ considéré par le Mexique comme une entreprise pratiquement impossible, l’obtention d’un accord commercial avec les États-Unis (et le Canada), sans véritable refonte des échanges commerciaux bilatéraux, a été un tour de force qui – toutes choses étant égales – devrait assurer l’avenir du Mexique au chapitre de l’investissement.
Pourquoi? Parce que l’évolution de l’investissement a considérablement bénéficié du libre-échange entre le Mexique et ses voisins nord-américains. Pour preuve : l’investissement direct à destination du Mexique, en moyenne, a grimpé annuellement à 33 milliards de dollars. Le contexte accueillant du Mexique, ses infrastructures modernes, sa proximité et sa facilité d’accès à la première économie de la planète, de même que son riche bassin de travailleurs qualifiés et semi-qualifiés expliquent le flux constant d’investissements dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, de la machinerie et des technologies.
Toutefois, la disposition à l’égard du Mexique a changé en 2017, quand les répercussions de la rhétorique anticommerciale des États-Unis sont devenues réelles. Le commerce international s’est retrouvé dans la ligne de mire, et le Mexique une cible privilégiée. Le géant de la climatisation Carrier a été alors fortement invité à renoncer à ses projets d’investissement au Mexique et à maintenir ses activités dans l’État de l’Indiana. Quant au constructeur automobile Ford, également dans le viseur de l’administration américaine, il a décidé de redéployer l’un de ses projets d’envergure sur le marché mexicain. Tout se passait comme si chaque nouvelle ouverture d’usine au Sud du Rio Grande était scrutée à la loupe par l’administration américaine. À cela s’ajoutaient la menace de la construction d’un mur, de même que l’imposition de droits tarifaires et de taxes d’ajustement frontalier – les nouvelles difficultés confrontant le Mexique. La conclusion de l’ACEUM devrait supprimer la plupart de ces écueils. En pareil cas, doit-on s’attendre à une relance de l’investissement?
Les chiffres actuels semblent nous dire le contraire. L’investissement privé a reculé au cours de cinq des six derniers trimestres. L’activité du secteur de la construction a fléchi de 10 % en rythme annualisé et a continué de chuter, ce qui pèse sur la production industrielle globale. Pour ne rien arranger, depuis 30 mois, la confiance des acteurs du secteur manufacturier suit une trajectoire descendante qui s’est accentuée au cours des 12 derniers mois. Et les perspectives n’annoncent pas d’amélioration : les directeurs des achats, collectivement, entrevoient une diminution des nouvelles commandes de production et une contraction de l'emploi. Il pourrait s’agir d’effets retardés de l’incertitude entourant la signature du nouvel ALENA. La situation pourrait aussi être plus grave.
Parallèlement à la présence de menaces extérieures, le Mexique doit composer avec un changement de gouvernement – ce qui vient accroître l’incertitude au pays, déjà aux prises avec des perspectives moroses. Le nouveau gouvernement a non seulement pris des décisions d’investissement touchant le secteur pétrolier et gazier, d’autres projets énergétiques et l’aéroport de Mexico, mais il a aussi annulé l’adjudication d’actifs énergétiques et, par le fait même, semé le doute quant au respect des contrats de privatisation conclus par l’administration précédente. Exception faite des secteurs ciblés, le Mexique accueille toujours l’investissement dans d’autres industries. Ce genre d’actions risquent néanmoins de laisser perplexes les investisseurs étrangers.
Quelle sera la suite des choses? De manière générale, les investisseurs nationaux semblent plus réticents que les investisseurs étrangers présents dans les secteurs hors énergie. Au gré de la résolution des différends touchant les politiques – résolution qui s’opère plus vite que prévu –, le Mexique risque de perdre au change, et ce serait bien dommage. En effet, le pays s’est doté de politiques monétaire et budgétaire stables, et recèle un immense potentiel. Contrairement à de nombreux pays où la population est vieillissante, le Mexique dispose d’une main-d’œuvre jeune, en croissance et toujours plus qualifiée; ces éléments sont bonifiés par les particularités de son contexte d’investissement que j’ai évoquées plus tôt. Les ressources d’investissement privé – abondantes à l’échelle mondiale – n’attendent que le retour de l’incertitude sur la scène des politiques.
Conclusion?
Le temps presse. Les acteurs mondiaux sont en voie de régler leurs différends commerciaux, et quand cela sera fait, l’investissement direct privé devrait s’intensifier. Alors qu’elles rivalisent pour attirer des capitaux, les diverses économies de la planète devront démontrer qu’elles sont des candidates de choix pour les projets à long terme. Le Mexique est toujours dans la course et pourrait certainement profiter d’un climat moins incertain.
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